8 mars 2024

Intégralité de l’interview en audio

Bonjour, peux-tu te présenter ?

Je suis le frère Patrick de la ville d’Ebolowa (Cameroun). Quand j’étais dans les “églises du système”, il y a plusieurs années, […] une réunion de jeunes a été organisée, j’ai proposé de mener des actions sociales et beaucoup ont suivi. Mais je sentais que ça n’arrangeait pas les dirigeants de l’assemblée: il fallait plutôt leur donner cet argent que de le donner aux prisonniers. Lorsque le Seigneur Yéhoshoua m’a touché et avec les enseignements, l’Évangile, j’ai compris comment le social devait se faire et maintenant je suis encore plus encouragé par l’œuvre dans le domaine du social.

Je vais depuis pratiquement 13 ans dans les prisons. J’y allais avec du riz, j’apportais des petites choses et je partageais aussi l’Évangile. Il a fallu qu’on s’organise pour mettre une association sur pied. Nous n’étions pas nombreux, mais suite aux actions que nous menions déjà (avec les enfants et les familles), nous avons pensé à aller dans les prisons. On a présenté le projet à des frères qui nous soutenaient d’un peu partout et c’est comme ça que nous avons commencé à travailler dans les prisons, jusqu’à aujourd’hui.

Comment est organisée une prison au Cameroun ?

Au Cameroun, le gouvernement permet de mener des actions de solidarité en faveur des prisonniers et c’est ce que nous avons eu à cœur. Normalement, dans toutes les prisons au Cameroun, il y a un service social. A la prison d’Ebolowa, je n’ai jamais rencontré une personne du sociale. Nous avons donc dû procéder autrement. Nous nous sommes adressés au régisseur de la prison, auquel nous avons présenté notre plan d’action en tant qu’association chrétienne à but non lucratif.

Hiérarchiquement, en dessous du régisseur, il y a le chef des affaires sociales, puis l’intendant et le chef de la sécurité interne, c’est ce dernier qui met en place les dispositifs de sécurité le temps de notre visite.

Les visites nous permettent de venir deux heures tous les vendredis (de 12h à 14h). Nous effectuons le suivi des prisonniers qui souhaitent écouter la Parole dans un local mis à disposition. Tous les deux à trois mois, nous organisons une action solidaire. On achète du riz, du sel, certains vêtements pour les détenus. On profite aussi de cette occasion pour présenter le Seigneur Yéhoshoua et de temps en temps, il y a des baptêmes.

Dans quelle(s) prison(s) es-tu allé ?

On a commencé à Ebolowa et ce travail se poursuit jusqu’à ce jour.

Nous avons travaillé à la prison d’Edéa, mais nous n’avons pas à cœur de poursuivre là-bas pour le moment.

Des frères et sœurs travaillent aussi au niveau de la prison de Douala, dans le secteur des femmes et des mineurs. Nous échangeons avec le régisseur pour avoir des temps de visites régulier, au moins une fois tous les quinze jours, sinon plus. Le Seigneur a visité beaucoup de femmes, c’était vraiment magnifique.

Plus récemment, le Seigneur nous a ouvert une grande porte à la prison de Mfou, nous avons beaucoup été encouragés, c’est la seule prison, depuis que j’en fais, qui est spacieuse,  propre et bien ordonnée.

Comment s’est passée la rencontre avec les prisonniers ?

Quand on va en prison pour faire des actions solidaires, il y a des frères, des sœurs, nous sommes nombreux.

Quand il n’y a pas de sécurité, c’est un peu délicat. On n’est pas forcément agressé, mais ils nous adressent beaucoup de demandes. Certains habitués, avant d’entrer, font la monnaie de 200, 500 parfois 1000 FCFA. Dans une prison comme celle de New Bell à Douala, un détenu peut t’attraper, donc il faut être prudent. Ce n’est pas parce qu’on a pas peur qu’il faut s’exposer n’importe comment. Quand on a fini le service, on cherche à partir directement.

A Ebolowa c’est tranquille. Quand les détenus ont la visite d’un donateur, c’est une joie dans la prison. Ils vont taper des tams-tams, faire du bruit pour accueillir. Par contre en sortant ils ont tendance à vous demander le dépannage, un peu d’argent, ils vous soumettent leurs problèmes. A Mfou par exemple il y a une grande discipline, quand la visite se termine, aucun détenu ne s’approchent, vous sortez vraiment libre.

Quelles sont les conditions de vie des détenus ?

Le quotidien est difficile, très difficile pour les prisonniers. Je n’ai pas encore eu l’occasion d’entrer dans une cellule, peut-être que ça arrivera prochainement. Dans beaucoup de prisons, les normes ne sont pas respectées. Une prison comme celle de Douala, doit contenir près de 1200 places, mais ils sont entre 5000-6000 prisonniers. Ils n’ont pas la possibilité de circuler, ce qui crée beaucoup d’insécurité. On peut les voir à 10-15 dans une même pièce, chacun avec son matelas. […] Les détenus qui n’ont pas les moyens de s’offrir un petit matelas, dorment sur des cartons.

La gale, la teigne sont des maladies que les prisonniers attrapent facilement. Dernièrement, les frères ont nettoyé toute l’infirmerie parce que c’était très sale. A certains endroits, le sol est gratté et il n’y a plus de ciment. C’est pourquoi on insiste beaucoup en les sensibilisant sur la propreté et on fait le maximum pour donner aux prisonniers au moins 3 nouveaux tee-shirts, mais il faut faire preuve de patience, parce que certains vont les vendre pour avoir un peu d’argent. Il y a des détenus qui persévèrent dans les enseignements et 7-8 d’entre eux ont un bon témoignage et se montrent très rigoureux. Nous faisons comprendre aux prisonniers que la vie chrétienne commence déjà en prison.

Il y en a aussi qui exercent un boulot, comme coiffeur, d’autres à qui nous avons donné du matériel pour confectionner des sacs et les vendre, pour qu’ils soient autonomes parce qu’ils n’ont pas de famille, ou des personnes qui viennent les aider​. Il y a aussi des cas de personnes qui doivent payer des sommes pour sortir.

Souhaites-tu nous parler d’un(e) détenu(e) en particulier ?

Un jour, les gardiens de la prison d’Ebolowa ont envoyé la photo d’une personne ayant une hernie testiculaire étranglée, au service social. Ce dernier n’a pas répondu, aucune autorité n’a réagi. Ils sont choqués de voir notre investissement, on n’a pas grand chose, mais quand il y a un souci, on intervient.

Donc le gardien de prison m’explique la situation de cet homme qui était là depuis deux mois avec cette hernie. Il criait de douleur mais personne n’est venu. Mais dès qu’il nous a présenté la situation on s’est mobilisé et il a été opéré. Nous avons pu témoigner que le Seigneur est vivant et qu’il est en train de tendre la main à toute la prison. Beaucoup ont été encouragés.

Il y a un autre détenu, il était vraiment très poli, il nous disait que si on ne le voit plus, c’est parce qu’il a fini sa peine. Il est reconnaissant pour les éclairages que nous avons pu lui apporter sur la Parole. Il a renoncé au catholicisme romain, il a dénoncé les idoles, etc. On est content quand on voit ce que le Seigneur fait. Ça nous encourage, parce qu’il y a beaucoup de témoignages et de guérisons que le Seigneur opère.

Quels besoins as-tu identifiés ?

Les prisonniers ont beaucoup de besoins: vestimentaires, médicaux, alimentaires.

On trouve plusieurs cas de personnes malades, ceux qui ont la​ tuberculose sont mis en isolement, d’autres ont des problèmes de gale, d’autres sont abandonnés, leurs familles ne viennent plus les visiter.

Dans le cas d’Ebolowa, nous avons mis en place un plan d’action sur un mois, pour suivre les personnes tuberculeuses. Le régisseur nous a présenté 13 cas, et nous nous arrangeons à leur préparer un repas consistant, dont une bouillie solide, qu’on compose localement en fonction des moyens. En prison il n’ont qu’un seul repas par jour, donc les tuberculeux quand ils boivent des médicaments, il faut qu’ils aient suffisamment manger. 

Les prisons étant insalubres au Cameroun, il y a beaucoup de maux de ventre, donc il y a un besoin en produits déparasitants ou antiparasitaires. Il y a également des cas de gale que l’on résoud avec un savon local appelé “savon rouge”. Nous discutons avec le régisseur pour désinfecter la prison, de temps en temps avec un pulvérisateur.

Au niveau vestimentaire, on se rend dans les marchés et on trouve des vêtement​s​ (tee-shirts, etc) pour environ 200-300 FCFA.

Souhaites-tu ajouter quelque chose ?

Moi, cette année, j’ai 46 ans, et je voudrais dire que cette affaire concerne tout le monde !

Le Seigneur Yéhoshoua nous apprend à aimer, à savoir ce qu’est l’amour et qu’on ne peut pas rester indifférent à la misère des autres. Aujourd’hui, par la grâce du Seigneur, on apprend aussi à sortir pour nous occuper des orphelins, des démunies, des prisonniers. 

Je veux vraiment encourager les bien-aimés à foncer. La détention n’est pas une chose facile à surmonter. Tenir avec dans le ventre un repas par jour à peine consistant, certains n’ont pas reçu de visite depuis 2 ans, errer la journée sans but, faire face à la violence, l’insécurité, la maladie, la souffrance, l’insalubrité …

« Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, vous qui êtes bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde. Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger. J’ai eu soif et vous m’avez donné à boire. J’étais étranger et vous m’avez recueilli. J’étais nu et vous m’avez vêtu. J’étais malade et vous m’avez visité. J’étais en prison et vous êtes venus vers moi. Alors les justes lui répondront : Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu avoir faim, et que nous t’avons nourri, ou avoir soif, et que nous t’avons donné à boire ? Et quand est-ce que nous t’avons vu étranger, et que nous t’avons recueilli, ou nu et t’avons-nous vêtu ? Et quand est-ce que nous t’avons vu malade, ou en prison, et que nous sommes venus vers toi ? Et le Roi répondant, leur dira : Amen, je vous le dis, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites. »

Matthaios (Matthieu) 25:34-40

Le Seigneur nous invite à nous souvenir des prisonniers et nous pouvons témoigner qu’Il nous encourage beaucoup dans tout ce qui se fait !

Que toute la gloire revienne à Yéhoshoua ha Mashiah !

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